LA TRAME DE L’INTIME

La façon la plus simple d’approcher le travail de Sophie Papiau consiste à
souligner le rapport privilégié qu’il entretient avec le tissu. Ce dernier s’y
voit décliné sous les formes les plus diverses et les plus surprenantes :
oreillers, sculptures molles, toiles incrustées d’intumescences textiles…
L’artiste joue là avec les codes traditionnels du tableau en lui conférant un
volume, en transformant le support passif qu’est la toile en matière dynamique.
Mais à travers ce choix, se fait jour également un désir de conférer une
dimension sensorielle et tactile à ces œuvres. Comme si ce dont il était avant
tout question ici, c’était de cette autre forme de tissu qu’est la peau.

Et de fait, le thème dominant que l’on retrouve dans la majorité de ces œuvres est
bien celui du corps. Mais pas n’importe quel corps. La plupart du temps, la
représentation qui en est donnée trouve sa source dans l’imagerie médicale,
ancienne ou moderne. Il s’agit donc d’un corps montré dans sa dimension
anatomique, organique. Les organes internes (cœur, poumons cerveau) sont comme
projetés de l’intérieur vers la surface de l’œuvre, qui n’est plus simple
support, mais qui devient littéralement le corps même de celle-ci. Autrement
dit, le motif dialogue avec son support en un mouvement de gonflement, de
diastole et de systole, qui semble insuffler une respiration à l’œuvre.

Il existe ainsi, dans le travail de Sophie Papiau, un jeu d’opposition constant,
une déconcertante dialectique entre le motif de fond préexistant et le sujet
peint ou brodé. Et ce même rapport de complémentarité conflictuelle se retrouve
également sur toute une série d’autres plans : entre le dur et le mou,
entre le plat et le volume, entre la douceur du support et la crudité du motif
représenté – parce que normalement invisible –, entre l’intériorité et
l’extériorité.

Murielle Durant-Garnier / Patrice Oliete Losczos

 

FRAMING THE INTIMATE

The easiest way to approach the work of Sophie Papiau is to highlight the special relationship she has with fabric. The fabric she uses is manipulated into diverse and surprising forms: pillows, soft sculptures, paintings with embedded swelling, textiles … The artist plays with the traditional codes of painting, giving them volume and transforming the passive support of canvas into a dynamic material. Through this choice emerges a desire to confer a sensory and tactile dimension to these works. The question then becomes, is the foremost issue here another form of tissue, the skin?

And in fact, the dominant theme found in the majority of these works is that of the body. But not just any body. Most of the time, the representation of the body originates from medical imagery, ancient or modern. Thus, the body is shown in an organic anatomical dimension. Internal organs ( heart, lungs, brain ) appear to be projected from the interior out to the surface, the fabric being not simply a physical support for the work, but literally the body of it. In other words, the imagery dialogues with the fabric, moving, swelling, from diastole to systole, which seems to breathe life into the work.

There is also, in the work of Sophie Papiau , a constant set of oppositions, a disconcerting dialectic between the existing background pattern and the painted or embroidered image. And this same conflictual complementarity is also found in a variety of other ways: between the hard and the soft, between the flat and the volume, between the softness of the support and the rawness of the represented – because they are normally invisible – between interiority and exteriority.

Murielle Durand-G / Patrice Oliete Loscos

Translated from the French by Heather Lyon

 

私的な横糸(引用文)

ソフィーパピオの作品は膨らんだテクスタイルがはいりこんだ布などをもちいて枕、柔軟な彫刻など多様かつ驚きをもった形で表現される。皮膚という布がちがった形で表現されるのである。従来の絵画作品を布という受動的な材料をもって立体的なものに変化させる。作品には触感性と感覚性がうまれる。

Translated by Yoko Horameda